Le long du cours de l’Onde, nous arrivons au pont des Places, d’où nous atteignons le site de l’ardoisière. Sur ce site, était extraite de l’ardoise, un matériau utilisé pour les toitures des maisons de la région.
À partir de septembre 1944, Célestin Freinet devient membre du Comité départemental de Libération. Il est alors chargé de remettre en route la vie économique et sociale du département et demande, le 6 janvier 1945, que soit étudiée la reprise de l’exploitation de l’ardoisière de la Blâche dans une lettre adressée au préfet des Hautes-Alpes.
« Monsieur le Préfet,
La Commune de Vallouise avait, avec une subvention départementale, entrepris l’exploitation d’une ardoisière. Les travaux ont été abandonnés. Pourtant, la carrière serait d’un rapport évident.
Les circonstances économiques qui avaient entraîné cet abandon nécessitent aujourd’hui la réouverture du chantier.
En effet, les toitures de très nombreuses maisons tombent en ruines. Des réfections au titre de l’habitat rural ne peuvent être poursuivies par suite du manque d’ardoises. La reconstruction dans le Briançonnais nécessitera un approvisionnement considérable en cette matière.
D’accord avec la municipalité de Vallouise, nous vous demandons de vouloir bien étudier la reprise de cette exploitation.
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’assurance de ma considération distinguée. »
L’investissement de Célestin Freinet dans le Comité départemental de Libération ira bien au-delà du site de l’ardoisière de la Blâche. Dès octobre 1944, il est nommé président du Comité de coordination économique, chargé de relancer la vie sociale et économique du département. Au programme, les transports, l’agriculture, le ravitaillement en viande, en lait, en beurre et en d’autres denrées de base. En décembre 1944, le Comité va notamment protester contre le ravitaillement qui n’avantage pas la population haute-alpine : on déplore le manque de matières grasses, de sucre et de confiserie pour les enfants. Célestin Freinet s’entretient alors avec le préfet à ce propos.
De même, il suggère une réorganisation des transports pour que les camions soient réquisitionnés, deux jours par semaine, pour le ravitaillement. C’est également lui qui, en janvier 1945, convoque les épiciers grossistes de Gap pour régler le problème de transport des denrées d’épicerie chez tous les détaillants du département.
Célestin Freinet impulse également la création de l’Union paysanne et œuvre pour que le Comité départemental de libération accompagne le monde paysan dans sa réorganisation. Dans le premier numéro du journal L’Union, il écrit :
« Les premiers cahiers de revendications reçus nous ont déjà permis d’intervenir efficacement : pour la réduction ou, dans certains cas, la suppression des impositions de foin, de pommes de terre et de viande dans les régions du Briançonnais touchées par la guerre ou affectées par le passage de troupe ou l’afflux des réfugiés. »
L’Union paysanne est finalement créée le 4 novembre 1944 à la Maison du poilu à Gap. Célestin Freinet rappelle alors la nécessité d’une Union paysanne cohérente, vivante et bien organisée.
Au sein du Comité départemental de Libération, Célestin Freinet est aussi nommé à la commission d’Épuration politique. À ce titre, il propose d’en installer les services à la villa Mayoli. Située à Gap, cette villa fut le siège de la police secrète. Elle était, pendant l’Occupation, le lieu d’interrogatoire et de torture de nombreux résistants.
Enfin, Célestin Freinet siège également à la commission du Service social. En septembre 1944, il alerte sur la situation des réfugiés et sinistrés de Briançon qui ne peuvent pas rentrer chez eux tant que les questions de sécurité et de ravitaillement ne sont pas réglées. Il demande que l’on agisse en urgence et obtient la mise en place de diverses mesures telles que le principe d’une souscription populaire ou encore la collecte d’objets ménagers de première nécessité chez les commerçants.
Il s’implique aussi dans l’accueil d’enfants qualifiés « d’assez déficients », venus de Toulon, de Marseille et de Nice. À son initiative, un centre scolaire d’une capacité de 85 places ouvre dans les locaux du Grand séminaire à Gap. De même, Célestin Freinet plaidera pour qu’une distribution de miel soit organisé, pour ces enfants qui ne sont pas gâtés. Il demande un peu de bonne volonté de la part des producteurs, mais aussi au Ravitaillement général d’envisager une distribution de noix ou de confiseries.
Nous ne donnons ici qu’un bref aperçu des contributions de Célestin Freinet au sein du Comité départemental de Libération. Il rédigera, pour chaque numéro de L’Union, le compte-rendu des travaux du Comité de Libération concernant les dossiers dont il a la charge.
Lelivre de Jean-Pierre Jaubert, Célestin Freinet Résistant-Pédagogue, relate ladiversité de l’engagement de Célestin Freinet au sein du CDL. (2019, Editions des Hautes-Alpes)
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