Nous voici devant la chapelle de Béassac, lieu du maquis conduit par Fernand Lagier-Bruno, frère d’Élise Freinet. Célestin rejoint le maquis le 6 juin 1944, après un peu plus de deux ans et demi de résidence surveillée dans la maison familiale Lagier-Bruno à Vallouise. C’est d’ailleurs cette maison qui servira de base arrière aux maquisards.
Dans un courrier adressé à Élise Freinet, Auguste Thenoux, ancien maire de Saint-Martin-de-Queyrières, écrit en mars 1980 :
« C’est en octobre 1943 que le 1er maquis a été formé à Prelles par Disdier Étienne, moi- même et le brigadier Falconetti, 5 jeunes employés de la sous-préfecture de Briançon. Il était composé de 5 jeunes de 20 à 25 ans, tous les 5 de Vallouise et Pelvoux.
Fernand (Lagier-Bruno) est arrivé immédiatement après l’hospitalisation de Bourges le 16 juin 1944. Il est le 1er responsable du maquis comprenant plus de 100 hommes.
Freinet entre au maquis le 6 juin 1944, au maquis de Béassac où il s’occupe de toutes les tâches les plus difficiles : l’organisation, la discipline, le ravitaillement, il y a plus de 200 hommes et sa tâche n’est pas facile…. »
Depuis la grotte des maquisards, on a une vue imprenable sur la vallée de l’Onde. Raison pour laquelle les gardes s’y postaient pour surveiller les arrivées. Dans cette grotte, on trouve encore aujourd’hui un poêle qui était utilisé par les maquisards. Célestin Freinet a écrit plusieurs poèmes lorsqu’il était au maquis. L’un d’eux, intitulé La Garde veille, parle de ces maquisards en surveillance :
« La garde veille
Le maquis s'est endormi
Et au détour du sentier
Adossé à un rocher
Surplombant la plaine
La garde veille
(…)
Par-delà le ravin
Deux patrouilleurs emmitouflés
Contemplent en alpinistes satisfaits
Le paysage de neige qui rougit
Au soleil levant
La garde veille »
De son côté, Élise Freinet participe aussi au maquis.
Ce rapport, écrit par le frère d’Élise, Ferdinand Lagier-Bruno, nous renseigne sur les activités d’Élise Freinet dans le maquis :
« Élise Freinet née Lagier-Bruno s'est mise au service de la résistance alors qu'elle était en résidence à Vallouise (HA) d'août 1943 au 15 septembre 1944. Elle a hébergé de nombreux résistants, elle a aidé en septembre 1943 l'évasion de déserteurs italiens en leur donnant abris et nourriture. Lorsque le 11ème bataillon des Francs-Tireurs et Partisans Français FTPF est venu s'installer dans la vallée de Vallouise, en juin 1944, elle s'est dévouée pour soigner les malades et les blessés, faisant preuve d'un grand désintéressement et d'un ardent patriotisme. »
On a également retrouvé ce certificat de participation d’Élise dans le maquis, rédigé par Albert Bourges, président du Comité Local de Libération et responsable du secteur briançonnais FTPF :
« Je soussigné, Albert Bourges alias « Charles » président du CLL, ex-responsable du secteur Briançonnais des FTPF, certifie sur l’honneur que Mme Freinet Élise, née Lagier- Bruno, a servi la Résistance dès août 1943, à Vallouise.
Son activité, à l’époque, se concrétisait dans l’hébergement de nombreux patriotes traqués par l’occupant ou le gouvernement de Vichy. Elle recevait également sous son toit, des déserteurs italiens dont elle permettait l’évasion hors frontière.
Affectée au 11eme bataillon des FTPF dès sa formation (juin 1944), elle créa, pour cette unité un centre hospitalier dont elle fut l’âme dans les soins prodigués aux Maquisards malades ou blessés. Son activité prit fin avec la libération du Briançonnais le 15 septembre 1944.
Ardente patriote, Élise Freinet a bien mérité de la France et de la République.
En foi de quoi, je lui délivre le présent certificat. »
Enfin, cette citation de Célestin Freinet en dit long sur sa perception du maquis au regard de ce qu’il a vécu pendant la guerre de 14/18 :
« Une armée qui se bat, ce sont des pions qu'on pousse et qu'on remplace au hasard des besoins. Le maquis pour l'instant, c'est la fraternité... Ce destin nous a l'un à l'autre soudés et la cordée solidaire doit se sauver toute entière ou périr... »
De cette période, vécue en commun, Célestin a écrit des poèmes et Elise a fait des dessins au fusain, qui sont rassemblés dans un recueil intitulé « Images du maquis »
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