Les Grésourières

Le long de la rive gauche de l’Onde, en amont du pont des Places, se trouve le lieu-dit des Grésourières, cher au cœur d’Élise.
Alors que Célestin est encore interné, Élise lui écrit le dimanche 1er juin 1941 :

  « Mon Freinet chéri… Nous sommes venues fêter le 1er juin aux Grésourières. Je suis là, assise en haut d'un pré fleuri. Un majestueux mélèze abaisse ses branches, mollement, au   souffle de la montagne. La rivière, les ruisselets, se fracassent sur les cailloux et les névés   descendent en bandes dans les couloirs de la forêt renouvelée. Les vieux chalets ont souffert du rude hiver, et la neige sur les prés qui nous dominent ne s'est pas encore rendue. »

C’est ici que seront organisées des colonies de vacances pour les enfants de l’École Freinet. Ces enfants, certains orphelins ou ne pouvant pas être pris en charge par leur famille, restent à l’école pendant l’été. Raison pour laquelle le couple Freinet crée des colonies de vacances, qui permettent de tisser des liens privilégiés avec la nature.

Du fait des graves blessures subies pdt la guerre de 14/18, Célestin Freinet doit adapter ses méthodes pédagogiques. Touché à la cage thoracique et au poumon, il a du mal à respirer et ne peut plus rester 6h debout dans une salle. Il fait donc sortir les enfants pour faire cours dehors.
Dans une interview donnée en 1961, Célestin Freinet raconte :

  « Quand je suis revenu de la guerre de 14-18, j'avais été assez sérieusement blessé et,   notamment, je ne pouvais pas parler longtemps, surtout pas dans une salle de classe. (…)   Lorsque j'avais parlé pendant dix minutes, un quart d'heure, comme cela, je n'en pouvais   plus. Et alors, j'ai cherché des solutions : ou bien je quittais l'enseignement à ce moment-là,   ou bien je trouvais d'autres techniques de travail qui m'auraient permis de faire ma classe de   façon intelligente, efficiente aussi, de m'intéresser à ma classe mais que je puisse tenir le   coup. Alors, j'ai cherché. »

De son côté, Élise Freinet écrit dans Naissance d’une pédagogie populaire (édition de l’Ecole Moderne, 1949) :

  « Un grand blessé du poumon s'accommode mal de l'air confiné d'une classe de 35 élèves, de ses odeurs de remugles indéfinissables qui sont le lent poison de nos écoles prolétariennes,   des poussières denses et tenues montaient des chaussures boueuses, du parquet mal balayé,   du vent s'engouffrant dans le couloir de l'école. Parler quelques minutes dans cette atmosphère viciée devenait pour le malade une fatigue extrême ; c'était à bref délai la menace de paralysie thoracique et de syncope. »

Ce témoignage montre aussi que le couple Freinet a souvent dénoncé les conditions matérielles de l’Éducation nationale.

L’ École Freinet accueillait beaucoup d’enfants qui ne trouvaient pas leur place dans le système scolaire classique. La pédagogie Freinet propose de développer davantage leur autonomie, en leur donnant la possibilité d’organiser eux-mêmes leur travail. Ils suivent donc le programme à leur rythme. La pédagogie Freinet vise à laisser les enfants libres, tout en les accompagnant dans cette liberté.
Le symbole de cette conception de l’éducation, c’est lorsque Célestin Freinet décide de retirer l’estrade de la salle de classe, il choisit d’être au milieu et avec les élèves.

La guerre de 14/18 a eu une autre influence sur l’évolution de la pédagogie de Célestin Freinet. Certes, il est marqué physiquement, mais aussi moralement. Il revient du conflit profondément marqué par l’absurdité de la guerre.

Il veut former des citoyens qui réfléchissent et mise pour cela sur la libre expression des enfants. Il favorise le travail coopératif, l’auto-apprentissage et l’expérimentation. La pédagogie Freinet propose à l’enfant un cursus d’apprentissages adapté à sa sensibilité personnelle.
Ces principes sont encore aujourd’hui ceux de l’ICEM (Institut Coopératif de l’Ecole Moderne) au plan national et de la FIMEM (Fédération Internationale des Mouvements de l’Ecole Moderne) au plan international.