Un peu plus d'histoire

A partir du parking, on s’achemine sur la piste de gauche pour franchir le pont au-dessus du Rif Bel. Sitôt la première boucle passée, on s’approche de l’ancien hameau Saint Jean ou Haute Rua. On peut alors remonter le temps. 

On aborde le site d’un habitat très ancien, bien attesté au XIIIème, à cette période climatique favorable qui voit l’accroissement de la population implantée dans nos hautes vallées. En 1295, lors de la création d’un office d’huissier à Guillestre, on établit à 4 deniers la vacation à Escreins, à 6 deniers celle de Sainte Marie de Vars, hameau un peu plus éloigné. Pans de murs et voutes suggèrent l’existence passée des maisons d’habitations, des écuries et des granges. C’est à Haute Rua que se trouvait l’église Saint-Jean-Baptiste. En 1856 de graves inondations du Rif Bel détruisent Haute Rua, l’église est reconstruite plus bas et les habitants rejoignent ceux de Basse Rua. 

A l’approche de la petite chapelle récemment restaurée on rejoint Basse Rua. C’était un habitat regroupé, l’essentiel des maisons orientées au sud bordaient la rue principale avec des petits jardins, en dessous de la rue et au-dessus du torrent. 

La maison traditionnelle abrite la famille, le bétail et les récoltes. Le dos de la maison est souvent partiellement enterré ce qui permet un accès direct de la charrette à l’étage de la grange par un pan incliné, à l’arrière de la maison. La couverture est en chaume jusqu’à son interdiction vers la ?n du XIXème, remplacé par des planches de mélèzes, les bardeaux. La maison est souvent conçue pour permettre d’accéder aux différents espaces sans avoir à sortir, facilité bien appréciable l’hiver. Au rez-de-chaussée, un ensemble de voûtes en arêtes avec piliers centraux, montées en pierres, sable et chaux forme l’écurie, une ou deux caves avec des voutes en berceau servent de remise pour les provisions de vins, fromages, pommes de terre ; on y trouve aussi la cuisine, souvent voutée, dotée d’une cheminée, on y dort parfois. A l’étage, une ou deux chambres dont la chambre « du pain » on sont stockés les pains de ménage, cuits à l’automne ou tous les mois selon les usages du lieu et de l’époque. On y garde aussi avoine, seigle, parfois froment. On peut y dormir à l’occasion. La grange est vaste et doit garder le fourrage nécessaire à l’alimentation des animaux durant la mauvaise saison, les murs sont souvent un agencement de troncs superposés pour assurer une bonne ventilation, comme les balcons ouverts qui servent de séchoirs. 

Le hameau abrite aussi la chapelle, le presbytère juste devant, un peu en dessous de la rue, c’est peut-être là que se tenait l’école, et bien sûr le four commun, derrière les maisons au milieu du hameau. Quatre moulins sont recensés sur les deux rives du torrent. Derrière le hameau, sur le coteau, de bonnes terres labourables, alentour des prairies et des champs, on imagine un paysage beaucoup moins boisé. Cet habitat permanent s’organise autour de la culture des céréales, l’élevage des bêtes et une migration saisonnière de certains membres de la famille vers les vallées plus basses. Les vignes et les celliers sont à Guillestre. 

Neuf familles vivent dans la vallée en 1710 et 84 habitants sont encore recensés en 1831. En 1870, sept familles se partagent un petit cheptel de 19 bêtes à cornes et 132 bêtes à laine. René Godefroy, géographe, parcourt la région en juin 1906. Il revient dans le vallon d’Escreins, escalade les sommets alentour et pousse jusqu’à la Font Sancte. II séjourne au hameau de Basse Rua chez Jérôme Caffarel. Ce n’est pas sa première visite. Lors de sa précédente venue en juillet 1902, le hameau abritait cinq familles dont trois l’année entière. En 1906, six familles vivent encore à Basse Rua mais ce n’est plus un habitat permanent, à la fin de l’estive les habitants retournent à Guillestre ou à Vars. 

Un dimanche d’août 1916 un incendie ravage Basse Rua, le village est définitivement abandonné.

Source : Association Pays Guillestrin