Un ordre de montagne à vocation pastorale et forestière
Il est surprenant de constater la similitude des implantations des abbayes principales de l'ordre : toutes sont situées en altitude dans le fond d'un vallon au bord d'un cours d'eau, à l'exception de Valbonne, Pierredon et Paiherols dont la vocation est différente.
L'activité principale des abbayes chalaisiennes est l'élevage, particulièrement des ovins ; puis vient l’exploitation du bois (sapins, mélèzes, hêtres).
Enfin, les autres activités dont il est fait état dans les textes (céréales, vignes, lisier, ...), concrétisées par différentes acquisitions, restent des activités de subsistances liées à la vie quotidienne.
Un ordre bâtisseur
Une grande unité de construction entre les abbayes permet de conclure à une architecture typiquement chalaisienne.
On peut y voir la conséquence d’un laps de temps relativement court pour ces constructions, toutes réalisées entre 1140 et 1200 ; mais il faut surtout y voir la main d'un homme exceptionnel : Guigues de Revel.
L’architecture des églises abbatiales
- L’église abbatiale, la NEF
Caractéristiques du style « bernardin » (Saint Bernard de Clairvaux), les abbatiales chalaisiennes sont à nef unique, les voûtes légèrement brisées avec doubleaux permettant déjà de renvoyer sur des contreforts extérieurs le poids et la poussée des voûtes. Cette technique permet des ouvertures significatives dans les murs pour un maximum de lumière.
C'est d'ailleurs cette recherche de lumière qui préside à la construction.
- L’église abbatiale, le CHEVET
Elles sont toutes à chevet plat. Il permet une bonne luminosité dans le sanctuaire, autorise le développement du symbole à l'extérieur comme à l'intérieur. Il est également plus facile à mettre en œuvre.
- L’église abbatiale, le TRANSEPT
Elles sont à transept bas : il s'agit en fait d'une construction où la voûte de la nef passe au-dessus des voûtes des bras du transept. Plus commune dans les édifices modestes, sa simplicité de mise en œuvre est totale. En effet, lors de la construction, les voûtes se succèdent les unes après les autres, la hauteur de l'une étant la base de l'autre.
Les largeurs des nefs sont variables mais très proches : de 6,20m à Valbonne à 7,50m à Boscodon ; sauf à Pierredon, où elle n’est que de 5,70m, ce qui confirmerait la thèse de la présence d’une chapelle primitive. C’est cette largeur qui conditionne la construction de l’édifice. L’illustration en est parfaite dans le cas de la construction inachevée de Pierredon.
Un ordre atypique dans son organisation
A l’intérieur de l’abbaye, trois particularités distinguent l’ordre :
- L’abbé est proche de ses frères
Contrairement aux abbés cisterciens, l’abbé chalaisien mange avec ses frères dans le réfectoire unique et n’a pas de cuisine propre.
- Les convers bénéficient d’un statut particulier
Dès le rapprochement avec Boscodon, peut-être par la volonté de Guillaume de Montmirail, lui-même à la fois donateur et convers, les frères convers mangent dans le même réfectoire que les moines. L'organisation des bâtiments s’en ressent : la circulation dans le cloître est simplifiée ; l’entrée des convers dans l’abbatiale se trouve dans la deuxième travée, et non la dernière ; et la ruelle des convers n’existe pas, n'ayant pas de raison d'être.
Plus original encore, les convers chalaisiens ont voix au chapitre ; nous en avons la preuve par plusieurs actes signés où apparaît distinctement le titre de frère convers. Enfin, il apparaît que ces frères convers sont lettrés, car ils signent eux-mêmes plusieurs documents en notre possession.
- Les novices sont âgés
Il faut avoir 20 ans révolus pour entrer à Chalais, alors que l’habitude était de rentrer à 15 ans dans les monastères. Peut-être est-ce dû aux conditions difficiles de vie en montagne.
- A l’extérieur, l’ordre est lié aux diocèses
Dans chaque acte de fondation apparaît la signature de l'évêque du lieu : Hugues pour le diocèse de Grenoble, Guillaume pour le diocèse d'Embrun, Guigues pour le diocèse de Digne, Olivier pour le diocèse d'Antibes. Cette originalité permet de lier l'abbaye à son environnement local, ce qui est un avantage mais présente également l'inconvénient de créer des rivalités et des désirs d'indépendance à la moindre difficulté.
Ainsi l'autonomie de chacun est grande et le rôle de l'abbé général assez réduit, de même que pour le chapitre général. Le contrôle se fait essentiellement par la maison fondatrice ; pour Chalais, cette inspection est faite conjointement par Boscodon et Albeval. Cette indépendance peut expliquer le peu de « solidarité » entre les abbayes dans les difficultés rencontrées par l'une ou l'autre, tout particulièrement lors de la crise de la fin du XIIIème. La mort de Guigues de Revel a pu également exciter les rivalités entre les différents évêques, partie prenante des abbayes.
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